Suite… « En zone de houle… »

L’été, cette saison où la chaleur de la nuit parfois si lourde, pesante comme une couverture vous oblige à l’insomnie. Cette saison où lorsque la nuit se change en jour, la chaleur encore vous enveloppe sans merci… jusqu’à vous liquéfier.

Fin juin 2015, Paname se réveille tout juste :
Un papier gras de croissant, une canette de bière, quelques mégots ornent le coin d’une rue. Un pigeon solitaire, un vélib’ abandonné, le lot ordinaire des voitures et les cris des éboueurs par-dessus la rue.

Une journée limpide, une tempête de ciel bleu, un soleil déjà plein de suffisance… immensité du mois de juin.

Ligne 12 du métro, la voilà assise, soufflant sur ses mèches de cheveux comme pour livrer bataille à la moiteur ambiante.

Face à elle, un vieil homme, un soupçon nerveux. Son regard oscille entre l’horizon sombre que lui offrent les rails et le smartphone qu’il tient précieusement.
Un « je ne sais quoi » d’inquiétude ricoche en lui pour s’évanouir l’instant d’après. Il l’intrigue, lui semble tel un livre ouvert : elle voit en lui les strates formées par les années. Chaque age, chaque printemps… Elle les voit toutes…

Le wagon bruisse de conversations, mais il lui semble qu’ils ne sont que deux…
L’alarme d’un sms tinte, il sursaute, le consulte, son visage se déforme dans une grimace, ses yeux s’embrument, puis se noient dans les larmes.

Désarçonnée par cette vague d’émotions, elle lui sourit avec compassion, il cueille son sourire au vol comme pour s’y abriter.
Peut-être le prendre dans ses bras, et bercer ses larmes jusqu’à les effacer … ?
Il lui renvoie un sourire qui lui demande de la grâce, de la solidarité, de la discrétion.
Elle est perdue, elle voudrait cerner les contours de cette tâche d’encre qui s’étend et lui couper la route : la douleur.
Elle dissimule son incertitude et son impuissance sous un voile de résolution, soutient son regard avec tendresse et lui tend un mouchoir.

Le crissement des freins, la vague de ceux qui sortent, le vieil homme se lève, se retourne vers elle et lui murmure un « merci » qu’elle lit sur ses lèvres.
Les portes claquent.

La voilà seule, cette émotion lui fait écho et elle se souvient de toute l’encre de ses chagrins, de ses doutes mais aussi des ses petits bonheurs, qu’elle a laissé s’égoutter sur le papier ces derniers mois.

Aujourd’hui, cette rencontre c’est un bout de vie, un bout d’histoire qu’elle emporte dans Paname, les coins poussiéreux des rues, les bistrots, les abris bus…

Elle l’emporte avec elle car elle sait que ce concentré d’émotions finira sur son bloc note… jusqu’à vous !

113 réflexions sur “Suite… « En zone de houle… »

  1. Les transports en commun sont une source de rencontres et d’inspiration sans fin. Les gens y affluent et leurs vies s’y croisent, au grand plaisir de ceux qui savent les observer. Je me demande déjà qui vous allez nous raconter à la prochaine correspondance.

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  2. Bonsoir, Myo (ou re-bonsoir),

    Je t’avais laissé un commentaire assez long avec un témoignage vécu dans le métro au temps de ma vie active, mais je ne le retrouve plus. Ne l’ai-je pas validé? Mystère.

    J’aime bien la relation de ton ressenti sur cette houle…

    Merci en tout cas de suivre mon blog.
    Bonne soirée,
    Mo

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    • Mais siiiii il est bien là 😉 et j’y ai répondu !
      Je suis touchée que tu ai pris le temps de me répondre… Ton témoignage était inattendu, j’ai apprécié ! Je suis touchée que tu ai osé t’égarer dans un de mes récits…
      Tres belle soirée !

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  3. Depuis votre rétrospective de janvier, les récits suivants sont plein de paix, avec ce « pouvoir » des mots !!!!. Moi aussi j’aurais bien serré ce vieux monsieur dans mes bras et moi aussi j’avais les yeux aux bord des larmes ! Emue !

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    • Vous parlez de «Vice-Versa» ? Oui je l’ai vue, on passe de l’autre côté du miroir des pensées…
      Entre le monde réel et le monde imaginaire, entre le conscient et l’inconscient, voire le subconscient….
      Du coup je dirais que si, à la fin de la lecture de mon dernier récit, vous ne pouviez vous empêcher de faire un commentaire à MyoPaname, ne vous inquiétez pas, c’est tout simplement Mlle Enthousiasme qui a pris les commandes de votre cerveau… Hehe 😀

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  4. Une écriture qui ne change pas : généreuse, fragile. Finalement vous parler encore de l’indifférence ! Je ne peux pas supporter l’indifférence et en même temps je me rend compte que moi même je n’ouvre pas toujours les yeux ! Merci du partage, c’est magnifiquement écrit.

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  5. Si touchée par la découverte de votre blog et, à travers vos mots, d’une jeune femme, sensible et attentive à l’autre dans cette foule si indifférente. Juste être là, présente, sans envahir, trouver l’attitude juste… merci pour cette émotion, j’ai eu la gorge nouée aussi…

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  6. que dire après tous ces commentaires si explicites et ‘sens-cibles’……….dire le plaisir et l’émotion des mots *simples*, sans chichi ni fioriture…oui absolument!…et puis mettre un ‘grain’ (il faudrait peut-être que je ‘corrige’ mon ‘besoin’ de perfectionnisme…..) sur ce bout de phrase « ses yeux s’embrumes » ou les brumes me perturbent, Myo caro……..et puis *bravo* et bravissimo!

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    • Merci pour le « sans chichi » et le « plaisir de l’émotion », mais merci pour les yeux aussi… lire et relire sans jamais voir… mes yeux sont ils fermés ? Noooo… juste connectés à ma mémoire qui le connait par coeur 😀
      Et merci pour ce « bravissimo » joyeux !

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      • suis contente de ne pas t’avoir heurtée par ma façon d’*observer* tes mots car, pour ma part, je préfère qu’on me dise ce que je n’ai pas vu et qui est évident pour celui qui lit 🙂
        et puis ton texte est si beau alors autant en prendre soin, me suis-je dit 🙂

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  7. Effectivement je rejoins les commentaires précédents : Descriptions fines, émotions fortes, amenées sans fioritures, il n’y a pas de surcharge et c’est pour ça que le récit est « puissant », il n’y a qu’à lire les ressentis des autres lecteurs.
    Comme je l’ai dit sur l’autre page, vos récits montrent un grand respect à l’égard d’autrui. J’aurais certainement pleuré avec ce vieil homme. Bon week end Myopaname.

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    • Tu rigoles… elle a commencé cool à la terasse d’un café dans mon fief à souhaiter de bonnes vacances à des Amis, puis 40 mn d’écriture tranquilou lorsque tout le monde est parti… Puis top départ d’un rdv à l’autre pour le taf. Je viens d’arriver au bureau pour boucler ma journée de marathonienne 😀 Donc à la fraiche… faudra attendre un peu que Mr glaçon donne sa modeste contribution.

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  8. J’ai apprécié le 1er « zone de houle » mais la suite est particulièrement saisissante. Encore un bout de la société magnifiquement relaté ! Cette société qui nous dépossède de tellement de choses si on prend pas attention ! Si vous avez eu 40 « likes » au 1er et 30 à celui-ci, cela veut-il dire que cette émotion fait peur ou fuir ? J’ai adoré ! Merci de ce partage si fragile.

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  9. Tu as une très jolie manière de raconter, c’est une scène de vie dans laquelle on entre tout de suite. Je n’ai guère le temps hélàs d’aller sur les blogs d’écriture, je me concentre plus sur les blogs photos. J’ai déjà pas des difficultés à trouver du temps à lire dans la vie de tous les jours 🙂 Mais ce que fais là est vraiment très chouette

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  10. Je fais découvrir votre blog à un ami, et je me rends compte que finalement vous avez autant de blogueurs qui ont « like » le 1er « zone de houle » et celui-ci :40 tout rond 😀 Donc ma remarque précédente n’était pas justifiée.
    Bonne journée

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  11. Encore une fois l’indifférence est la maladie des grandes villes, et pourtant réagir ou tendre la main et ne pas fermer les yeux comme un lache est parfois périlleux.
    C’est une belle histoire de rencontre, très émouvante.

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  12. Je suis emballé par votre écriture, sur un texte court vous parvenez à captiver avec des ingrédients essentiels pour moi : le style fin, le choix des mots, le sujet de tous, l’émotion et le réveil du lecteur sur la moelle de la vie.

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