Dans la peau d’une autre

Aujourd’hui est un jour joyeux, débordant d’échange avec son fils ainé.
Parfois intense, parfois légère, leur conversation fleurte avec des sujets qui lui démontrent son ouverture d’esprit et son intérêt pour les autres.
Elle a le privilège de pouvoir lui partager ses expériences de la vie et d’écouter les siennes toutes frémissantes.
Leurs réflexions alternent entre fou rire, interrogations et points de suspension…

Leur imaginaire recueille une ovation face au thème de l’image que l’on renvoie à l’autre :
Dans la rue, le métro, à l’école, à la fac ou au travail, c’est bien trop souvent notre apparence physique qui est considérée, jugée.
Notre apparence conditionne t’elle nos relations aux autres ?
Est-elle le reflet de notre personnalité ?
A t’elle une incidence sur notre destin ?
Mais ne dit-on pas : « l’habit ne fait pas le moine » ou encore « Les apparences sont parfois trompeuses » ?

Son fils répond finalement à leurs interrogations sur l’apparence physique en lui offrant une « expérience » : troquer un instant son regard noir contre un gris lumineux et énigmatique.

La voilà donc face au miroir, écarquillant les yeux afin d’y déposer ces fameuses lentilles grises, sésame peut être d’un autre “moi”.
Ils rient de cette situation, elle pleure d’obliger ses yeux à accepter cet objet étranger.
Finalement, elle lève les yeux sur son reflet : « Oh qui est donc cette femme qui me regarde ? »
Elle se jauge, se détaille, se sourit, fait des grimaces…
L’instant d’après son esprit l’interroge : « Si j’étais un autre “moi” à travers cette nouvelle apparence, cela me reposerait-il ? Est-ce que mon esprit serait roi ? Est-ce qu’enfin je dormirai comme un bébé ? »
Elle a souvent imaginé échapper à ce “moi” parfois trop encombrant, exigent ou même épuisant pour ce qu’il lui impose. Entrer dans la peau d’une autre qu’elle imagine plus forte, plus heureuse, plus… tout !

Alors face à ce miroir le grand voyage commence, car pouvoir être une autre en changeant son apparence c’est avoir tous les êtres à sa disposition. Devenir qui elle veut à son grès, et expérimenter ce qu’elle n’est pas.

Le lendemain elle part flâner dans les rues de Paris. Elle marche le temps qu’il faut pour s’imprégner de son nouveau reflet et prendre de l’assurance.
Elle s’arrête à une terrasse de café, prend le temps de choisir sa place, de discuter avec le serveur afin que son arrivée oblige les habitués, les personnes absorbées dans une conversation, une lecture une rêverie à furtivement jeter un regard sur elle.
Elle s’assoit enfin et résiste à l’envie de prendre ses lunettes de soleil. Finalement elle sort un livre et se concentre sur sa lecture… Son café terminé, elle reprend sa ballade dans Paname, avec juste cette sensation d’un regard posé sur elle.
Le jour suivant, à la même heure, elle revient dans ce même café, même rituel : elle choisit sa place, parle au serveur un instant et s’assoit pour siroter un verre. Elle sent clairement qu’on la regarde discrètement et respectueusement sans oser l’interrompre. Est-ce son gris énigmatique qui a captivé ?
Elle part avec cette interrogation…
Le troisième jour, très appliquée à son petit rituel, elle aperçoit l’homme au regard sur elle… ou plutôt l’autre “elle”.
Elle le remarque par sa retenue, son élégance et oui… son physique !
Finalement il s’approche lui disant des banalités pour lui signifier son intérêt. Pas un instant il n’abandonne ses yeux.
Alors elle sait déjà que demain il sera là…

Comme un bout de vie ordinaire qui frémit à feu doux, elle l’attribue à cette nouvelle apparence qui lui a donné la liberté d’être une inconnue insaisissable.
Mais sa conscience lui dit également qu’en se glissant dans un autre “moi”, il y a une chose qu’elle ne retrouvera pas : “L’innocence”… celle-là même qui la libèrerait de son destin et la ferait vraiment sentir une autre.

Peut-on échapper à son destin ?

Probablement que l’on peut arrêter de marcher contre les vents, arrêter de les affronter, pour marcher avec les vents contraires.
Etre une autre ne sera jamais qu’une parenthèse, et elle ne peut nier ce qu’elle est avec toutes les complexités et les différences qui font sa richesse.

Ici  autoportrait de Myo avec des lentilles grises pour expérimenter… « dans la peau d’une autre »
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29 réflexions sur “Dans la peau d’une autre

  1. j’ai une amie de coeur qui m’a conseillé un jour de suivre ma déesse intérieure ce que j’ai fait et je ne l’ai jamais regretté. Etre moi même pour un instant en oubliant les codes de la vie sociale m’a fait du bien et je ne regrette rien. Merci pour ce texte fort en connotations ! je me regarderai differemment dans le miroir maintenant 😉

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  2. Transportée dans cette reflexion philosophique de tous les aspects de notre etre, tellement de verité et de finesse pour faire transparaitre ce que tout un chacun ressent. Merci de nous faire partager ces mots! L’emotion est grande!

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