Maman…

Mai 2016

À peine réveillée et déjà s’engouffrer dans le métro ?
Etre collée serrée dans la masse des gens résignés qui lisent les mêmes mots des journaux gratuits ?

Non !

Aujourd’hui à l’abri dans sa voiture, elle scrute les nuages qui s’effilochent en lambeaux dans un ciel plombé.
Les essuie-glaces étalent la pluie mêlée de lumière sur le pare brise.

Un arc-en-ciel…
Comme un événement majuscule, inattendu, pour confirmer une journée fluide, pleine d’évidences.

Elle se remémore ces mots : « la vie, c’est comme un arc-en-ciel, il faut de la pluie et du soleil pour en voir les couleurs ».

Sourire…

L’averse laisse place à des étirements brumeux, un « je-ne-sais-quoi » de langueur canaille et aguichante qui colle à la peau.
Le ciel soudainement envahi de bleu, éclaboussé de lumière, déchiré par la silhouette des immeubles, domine Paname.

À l’arrêt à un feu rouge elle regarde défiler des marchands ambulants chargés d’une multitude d’objets, écoute la radio débitant inlassablement les mêmes mots avec les mêmes intonations pour finalement laisser place à une rétrospective sur la fête des mères…

Elle n’a qu’à respirer profondément pour sentir le parfum de sa maman : tant d’essences mêlées… l’herbe humide, la lavande en fleurs, la fleur d’oranger, le sable de leurs vacances d’été, le savon de Marseille, les sablés de Noël, la cannelle,  les étoffes, les fils de soie, la peinture, l’encre de chine…
Elle n’a qu’a la serrer dans ses bras pour voyager clandestinement et se retrouver au creux de ses souvenirs d’enfance…

Elle est une femme joyeuse, volontaire, présente sur tous les fronts.
Elle est celle dont on se souvient la main douce et fraîche posée sur votre front quand enfant fiévreux, vous cherchiez le réconfort, celle qui prépare les goûters de pain perdu au sucre…
Elle est la tendresse, la chaleur, la force.
Elle est celle dont les mots vous réchauffent tel un serment d’affection… doux, nourrissant, apaisant. Des mots qui sentent bon la sécurité, qui recollent les morceaux lorsque tout est éparpillé.

Elle voudrait enfermer ce parfum dans une petite boîte pour le laisser l’envelopper lorsque les jours deviendraient plus froids… Comme les boîtes à bisous données à ses enfants.

Le feu passe au vert.
Les automobilistes impatients klaxonnent.
Réveillée, propulsée à l’âge adulte, confrontée au temps qui passe, laissant doucement l’insouciance de l’enfance plier sous le poids de la vie, elle démarre légère comme un soupir, comme l’ombre d’un papillon à songer à sa maman et savourer de se savoir maman aussi…

Finalement 8 mai, 29 mai… Qu’importe, les mamans seront toujours à l’honneur chaque jour qui passe, n’est-ce pas ?

A ma Maman
Aux Mamans du monde entier

8 mars 2016…

Un soleil chétif qui se lève,
Des flaques d’eau saisies par le froid, devenues miroirs,
Des flocons, suspendues en apesanteur, leurs murmures feutrés et ce silence blanc cloué à terre.
Elle observe le ciel laiteux et son escadrille de nuages, comme déposés en équilibre sur les toits des immeubles, prêts à basculer.

L’hiver abuse de son dernier souffle,
L’hiver use de son froid insidieux pour faire impression, pour une sortie magistrale avant la saison nouvelle.
Déjà Dame Nature dévoile les signes d’un printemps précoce : chaque arbre, chaque buisson, chaque brindille semblent sous tension, comme prêts a exploser pour dévoiler un secret précieusement gardé.
L’hiver doit lâcher prise…

Blottie sous le porche, elle attend patiemment que le déluge expire. Elle respire tranquillement l’indifférence de ceux qui passent, comme un calme enveloppant.
Sur le mur, en face, une immense affiche, le visage d’une vieille femme, et ces mots : « 8 mars, un siècle de combats : journée internationale de la femme ».
Il lui semble voir toute la vie de cette femme dans les creux de ses rides… toute l’histoire des femmes. Dans son regard, une infinie tendresse, mêlée d’espoir et de détermination.

Il y a des jours, plus que d’autres, où l’on saisie son histoire, où se révèle ce que nous sommes…
Alors le 8 mars,
Un jour pour dépoussiérer les photos, les batailles de celles qui ont refusé l’injustice ?
Un jour pour rappeler cet héritage, que rien est vain, que le chemin est encore long, mais qu’il ne faut pas abandonner.

Les mots coulent sur elle, comme la pluie ruisselle sur l’affiche pour en mélanger les couleurs, jusqu’a la rendre transparente. Elle s’émiette sous ses yeux, si fragile, si vulnérable…

Elle comprend soudain que si chaque jour devrait être un 8 mars, qu’un seul puisse réveiller les consciences est déjà une victoire.
Alors continuer d’écrire avant que tout s’évanouisse, avant que les fines particules de l’oubli envahissent les essentiels de l’histoire.

Dans une déchirure du ciel, inattendu, un rayon de soleil, comme une lueur d’espoir.

Aujourd’hui, 8 mars 2016, elle se sent vulnérable et résolue.
Aujourd’hui, 8 mars 2016, elle décide de marcher jusqu’à l’engourdissement, jusqu’à l’ivresse. Marcher avec ces femmes ordinaires qui ont fait l’histoire.

A toutes les Femmes du monde entier
A ma Maman
A ma Sœur
A mes Amies

En illustration, Portrait de femme : Street Art de Herakut, artiste à quatre mains (celles de Akut un graffeur, et celles d’Hera, une peintre)