Décembre, un jour…

Le vent qui s’enfle comme un cri,
Le ciel qui ploie, jusqu’à dégringoler, les nuages piégés dans les branches dénudées, comme des « échevelures ouatés ».

Elle embrasse l’horizon de ce regard qui veux apprendre… toujours prête à s’étonner, se laisser surprendre.

7h30, agglutinés dans le métro, au bord de l’étouffement, elle n’en peut plus d’attendre de sortir pour éprouver le choc du vent glacé et respirer à plein poumon.
4 C°, et cette vague glaciale qui transperce ses vêtements jusqu’à caresser sa peau sans préliminaires.

Dehors, cet homme qui se laisse choir sur un banc.
Un soupir que personne n’entend, un regard vide qui trahi les nuits sans sommeil et tout autour, ce halo d’indifférence comme un jugement à son encontre.
Mais il est là devant elle avec son regard comme une prière.
Mais elle est là devant lui comme une étrangère devant une porte ne sachant si elle est la bienvenue.

Il la détaille, elle s’émiette sous ses yeux, aussi vulnérable que lui.
Il tente un sourire aussitôt déchiré en grimace, mais l’invitation est là.
Alors elle guette ses mots tels de petits nuages pour les recueillir.
Alors il murmure pour que les mots accueillent la confidence, l’intimité à partager.

Seules les consonnes affleurent, le reste se devine…

Une succession de phrases trouées de silence pour lui apprendre qu’il vit dans la rue depuis 6 mois, et que ces 6 mois c’est comme 100 ans !!!
Il lui apprend ses bonheurs, ses déséquilibres, ses embardées. La prend à témoin de sa chute… prend à témoins les passants qui s’écartent gênés ou juste pressés.

Tout son corps réagi : « Je ne suis pas une chose privée de respiration et d’esprit… !!! »

Il parle d’avant, d’une autre vie.
Dans un cri muet, dit sa colère contre l’injustice, la société mais aussi contre lui même.
Il rêve d’une vie qui ne boîte plus.
Il rêve de dormir pour oublier le froid, pour oublier tout court.
Elle disparaît un instant pour revenir avec un café brulant, l’enveloppe de mots, étreint ses angoisses pour l’apaiser et finit par se raconter elle aussi…
Des mots et surtout des maux partagés pour gommer les particules de l’anonymat et apaiser encore…

9h00, ce temps si ténu, tendu comme une virgule fragile, prêt à tout rompre, qui la rappelle à l’ordre.
Elle doit le quitter, lui, ses 26 ans, sa singularité, ses forces, ses faiblesses, et sa rage de vivre blottie tout au fond, prête à sortir pour mordre à l’espoir… il suffirait d’un signe !

A cet instant, il n’y a plus de place pour les mots, à peine pour respirer, alors un soupir suivit d’un sourire…
Elle finit par s’éloigner avec ses mots partagés, serrés tout contre elle, sans égarer la moindre confidence.
Se retourne joyeusement vers lui : « Tu as la vie à portée de main et ça ce n’est pas une imposture ! »

Voilà toute la naïveté dont elle s’était vêtue comme d’un châle au parfum de sécurité : Des mots, un sourire, de l’attention et des actes comme un baume aux maux… avec un zeste de magie de Noël !

Maman…

Mai 2016

À peine réveillée et déjà s’engouffrer dans le métro ?
Etre collée serrée dans la masse des gens résignés qui lisent les mêmes mots des journaux gratuits ?

Non !

Aujourd’hui à l’abri dans sa voiture, elle scrute les nuages qui s’effilochent en lambeaux dans un ciel plombé.
Les essuie-glaces étalent la pluie mêlée de lumière sur le pare brise.

Un arc-en-ciel…
Comme un événement majuscule, inattendu, pour confirmer une journée fluide, pleine d’évidences.

Elle se remémore ces mots : « la vie, c’est comme un arc-en-ciel, il faut de la pluie et du soleil pour en voir les couleurs ».

Sourire…

L’averse laisse place à des étirements brumeux, un « je-ne-sais-quoi » de langueur canaille et aguichante qui colle à la peau.
Le ciel soudainement envahi de bleu, éclaboussé de lumière, déchiré par la silhouette des immeubles, domine Paname.

À l’arrêt à un feu rouge elle regarde défiler des marchands ambulants chargés d’une multitude d’objets, écoute la radio débitant inlassablement les mêmes mots avec les mêmes intonations pour finalement laisser place à une rétrospective sur la fête des mères…

Elle n’a qu’à respirer profondément pour sentir le parfum de sa maman : tant d’essences mêlées… l’herbe humide, la lavande en fleurs, la fleur d’oranger, le sable de leurs vacances d’été, le savon de Marseille, les sablés de Noël, la cannelle,  les étoffes, les fils de soie, la peinture, l’encre de chine…
Elle n’a qu’a la serrer dans ses bras pour voyager clandestinement et se retrouver au creux de ses souvenirs d’enfance…

Elle est une femme joyeuse, volontaire, présente sur tous les fronts.
Elle est celle dont on se souvient la main douce et fraîche posée sur votre front quand enfant fiévreux, vous cherchiez le réconfort, celle qui prépare les goûters de pain perdu au sucre…
Elle est la tendresse, la chaleur, la force.
Elle est celle dont les mots vous réchauffent tel un serment d’affection… doux, nourrissant, apaisant. Des mots qui sentent bon la sécurité, qui recollent les morceaux lorsque tout est éparpillé.

Elle voudrait enfermer ce parfum dans une petite boîte pour le laisser l’envelopper lorsque les jours deviendraient plus froids… Comme les boîtes à bisous données à ses enfants.

Le feu passe au vert.
Les automobilistes impatients klaxonnent.
Réveillée, propulsée à l’âge adulte, confrontée au temps qui passe, laissant doucement l’insouciance de l’enfance plier sous le poids de la vie, elle démarre légère comme un soupir, comme l’ombre d’un papillon à songer à sa maman et savourer de se savoir maman aussi…

Finalement 8 mai, 29 mai… Qu’importe, les mamans seront toujours à l’honneur chaque jour qui passe, n’est-ce pas ?

A ma Maman
Aux Mamans du monde entier

« Dis… tu crois en quoi ? »

Ecrire… ce projecteur, cette lumière sur les émotions.
Ecrire… et rêver donner un éclat sur l’anodin, le transformer en un bien précieux et rare.
Ecrire… pour raconter les envolées, les états d’âme, la vie en toute simplicité qu’un seul mot pourrait changer en épopée.

Aujourd’hui, elle se noie dans la fin de sa tasse de café… le café est froid.
Se dit qu’elle pourrait retourner dans son lit et se lover dans l’empreinte encore tiède que son corps a laissé dans la nuit…
Aujourd’hui, ses mots lui semblent tellement élimés qu’on y voit au travers… comme la vie ténue et fragile avant la prochaine virgule.

Un fragment de lassitude ?
Tenir alors la nostalgie à distance et s’arrimer au présent ?
Ambivalence des sentiments : plénitude et vide.

Le tic-tac de l’horloge rythme ce silence trouble.

Elle laisse tomber ses pensées comme des miettes de pain.

Admire le soleil qui prend son tour de garde pour éclairer le monde, et sans préambule se répand dans la pièce comme pour lui reprocher son humeur morose.

Ces dernières semaines, assommée par les blessures du monde et ses propres batailles, une peur sourde l’enferme dans des mots qu’on ne prononce pas.
Cette peur là, elle croyait en avoir fini !
Imprévisible, soudaine, sur le quai du métro, dans une boutique, à un carrefour alors qu’elle traverse la rue !
Elle surgit insidieuse, pour devenir chagrin et douleur !
La peur, c’est la brèche invisible qui se creuse au fond de son ventre, les images, les résonnances, l’écho d’un bruit ou d’un silence qui la réveillent au cœur de la nuit…
Alors ne pas l’ignorer… la regarder droit dans les yeux !

Tout donner et recevoir le monde entier, voilà la naïveté dont elle s’était vêtue comme d’une couverture.

Sommes nous de si petites choses que le monde continu de tourner sans se soucier ?

A l’abri de sa maison, tout respire la paix des gestes du quotidien.
Elle a besoin du silence des mots écrits.

Portée par la conscience de cette émotion à laquelle la vie la soumet, elle sait qu’il faut faire avec…
Et si quelque chose a vacillé une fois encore, n’est ce pas au cœur des bouffées de joie, de colère, de désarroi, de peur, au cœur des émotions que l’on trouve le carburant de la vie ?

Elle se remémore soudain ce minot du coin de la rue du marché de l’Olive, avec le rire de son âge sur les lèvres, qui jouait a défier les adultes avec toujours la même question : « Dis Madame… tu crois en quoi ? »
Elle le regarde amusée : « Je crois en ce qui nous rend vivant… »

….

« I learn that courage was not the absence of fear,
but the triumph overt it.
The brave man is not he who does not feel afraid,
but he who conquers that fear. » Nelson Mandela

Ici en illustration : street art de Seth Julien, graveur de la scène Parisienne, il peint les enfants de ses voyages avec ce je ne sais quoi de magique.