Décembre, un jour…

Le vent qui s’enfle comme un cri,
Le ciel qui ploie, jusqu’à dégringoler, les nuages piégés dans les branches dénudées, comme des « échevelures ouatés ».

Elle embrasse l’horizon de ce regard qui veux apprendre… toujours prête à s’étonner, se laisser surprendre.

7h30, agglutinés dans le métro, au bord de l’étouffement, elle n’en peut plus d’attendre de sortir pour éprouver le choc du vent glacé et respirer à plein poumon.
4 C°, et cette vague glaciale qui transperce ses vêtements jusqu’à caresser sa peau sans préliminaires.

Dehors, cet homme qui se laisse choir sur un banc.
Un soupir que personne n’entend, un regard vide qui trahi les nuits sans sommeil et tout autour, ce halo d’indifférence comme un jugement à son encontre.
Mais il est là devant elle avec son regard comme une prière.
Mais elle est là devant lui comme une étrangère devant une porte ne sachant si elle est la bienvenue.

Il la détaille, elle s’émiette sous ses yeux, aussi vulnérable que lui.
Il tente un sourire aussitôt déchiré en grimace, mais l’invitation est là.
Alors elle guette ses mots tels de petits nuages pour les recueillir.
Alors il murmure pour que les mots accueillent la confidence, l’intimité à partager.

Seules les consonnes affleurent, le reste se devine…

Une succession de phrases trouées de silence pour lui apprendre qu’il vit dans la rue depuis 6 mois, et que ces 6 mois c’est comme 100 ans !!!
Il lui apprend ses bonheurs, ses déséquilibres, ses embardées. La prend à témoin de sa chute… prend à témoins les passants qui s’écartent gênés ou juste pressés.

Tout son corps réagi : « Je ne suis pas une chose privée de respiration et d’esprit… !!! »

Il parle d’avant, d’une autre vie.
Dans un cri muet, dit sa colère contre l’injustice, la société mais aussi contre lui même.
Il rêve d’une vie qui ne boîte plus.
Il rêve de dormir pour oublier le froid, pour oublier tout court.
Elle disparaît un instant pour revenir avec un café brulant, l’enveloppe de mots, étreint ses angoisses pour l’apaiser et finit par se raconter elle aussi…
Des mots et surtout des maux partagés pour gommer les particules de l’anonymat et apaiser encore…

9h00, ce temps si ténu, tendu comme une virgule fragile, prêt à tout rompre, qui la rappelle à l’ordre.
Elle doit le quitter, lui, ses 26 ans, sa singularité, ses forces, ses faiblesses, et sa rage de vivre blottie tout au fond, prête à sortir pour mordre à l’espoir… il suffirait d’un signe !

A cet instant, il n’y a plus de place pour les mots, à peine pour respirer, alors un soupir suivit d’un sourire…
Elle finit par s’éloigner avec ses mots partagés, serrés tout contre elle, sans égarer la moindre confidence.
Se retourne joyeusement vers lui : « Tu as la vie à portée de main et ça ce n’est pas une imposture ! »

Voilà toute la naïveté dont elle s’était vêtue comme d’un châle au parfum de sécurité : Des mots, un sourire, de l’attention et des actes comme un baume aux maux… avec un zeste de magie de Noël !

La vie c’est beaucoup trop pour être insignifiant…

L’été,
cette saison où les minutes s’allongent pour retenir chaque seconde et se blottir dans l’instant présent,
juste se soumettre au délice du soleil et regarder la terre engourdit de chaleur.

L’été à Paname…
C’est la tempête de ciel bleu, les pavés brulants, les murs éclaboussés de lumière.
C’est l’éphémère tels des pétales entrainés dans une fuite, une inquiétude ailée.
C’est la quête du moindre raie d’ombre dans l’intimité des murs, les portes cochères, le velours vert des feuillages.
C’est le saule pleureur de l’île de la Cité, les feuilles tombant dans l’eau comme autant de reproches muets à notre terre vieillissante.
C’est cet instant bref et fort lorsqu’une nuée d’oiseaux prend son envol dans une explosion d’ailes et de soleil.
C’est le marchand de ballons, accroché à sa grappe multicolore, provoquant l’envie des enfants dans un écho sans fin.
C’est…

Aujourd’hui aux portes de l’automne, le soleil tardif rejoins le firmament nuageux dans une déchirure couleur souffre…
Finit la belle saison !?
Finit les chaudes et délicieuses matinées à errer sans autre but que la sensation fugitive de l’instant présent !?

Déjà le jour est entré dans sa maison pour la pousser dehors.
La voilà qui court comme pour vivre la prochaine minute avant celle du présent…!

Emportée par le flot dense et désordonné, elle sait bien que Paname est là pour imposer toujours et encore son rythme à toutes ces vies qui se croisent. Des vies pour faire émerger une étincelle parfois saisie à la volée ou dissipée comme un nuage de lait dans un café.

Aaaah si les secondes étaient plus espacées, elle pourrait se faufiler, s’échapper, les devancer…

Elle se fraye un passage dans le brouhaha épais.
Enivrée… tout à coup cette nausée qui coince le cœur dans la gorge, cogne contre ses tempes et l’immobilise.
STOP !!!

Aussi discrète qu’une virgule dans un roman de 500 pages, elle envoie un sourire comme une brèche dans l’anonymat.
Une main tendue et son cœur prêt à exploser comme une gerbe de confettis.
Une rencontre improbable dans la banalité d’une journée d’automne, provoquée par l’audace d’un sourire…
Dans leur regard, le temps s’éternise comme un long discours, jusqu’à prendre l’allure d’une lente succession de secondes prétentieuses.
Il la regarde comme si elle était une effraction à la réalité.

Le tumulte des klaxons,
La sirène des pompiers pour leur voler leur instant…

Elle se détourne avec cette envie de respirer le monde à plein poumon, refusant de regretter, d’oublier cet instantané de vie.
Elle sait déjà qu’elle le rangera comme on pli un vêtement et le serrer dans un placard avec tout ses souvenirs.

La vie ce n’est pas seulement respirer, c’est avoir le souffle coupé…

Premiers mots volés à Charlie Chaplin
Mots de la fin volés à Alfred Hitchcock

Un sourire, un mot… des vies

Le ciel, le sol et la pluie qui ne forment qu’un, pour se fondre en une pellicule scintillante.
Le silence comme s’il sanglotait …
Instantanément, la pluie qui cesse et le soleil qui fait son entrée, comme s’il baillait après la sieste.
Le délice de cette lueur de l’aube qui se faufile dans sa chambre, rampe jusqu’à elle pour caresser son visage et la réveiller.

Elle se lève, ouvre la fenêtre, livrant la pièce à ces rayons matinaux qui tiennent la promesse d’une journée radieuse…
Une lumière cuivrée, douce, presque vivante qui vient l’envelopper pour un « Bonjour …».

Emmaillotée dans un châle, elle regarde l’horizon comme on regarde une affiche de cinéma… ses pensées font du bruit :

Il y a Dame Nature, s’ébrouant encore sous la respiration du vent pour émerger de son sommeil.

Il ya cette femme qui marche seule dans la rue, la vie devant elle et chacun de ses pas qui ressemblent à des mots qu’on ne prononce pas. Il lui suffirait de les guetter pour les recueillir comme on reçoit une confidence.

Plus loin il y a cet homme qui parle si fort que même ses mots les plus courts semblent ornés de voyelles supplémentaires. Pourtant il sait que sa voix ferme ne franchira pas le barrage du sourire de celle qui l’écoute. Ce sourire qui appelle le meilleur en lui…

Et puis cet enfant qui a trébuché pour s’étaler de tout son long, dont les cris se propagent dans toutes les directions… se heurtent au silence, rebondissent pour trouver une sortie et s’évanouir dans les mots réconfortants de sa Maman.

Assis sur un banc au pied du chêne, un vieil homme, le dos courbé sous le poids d’une tristesse sans nom, les yeux plongés dans ceux d’une femme. Le temps semble suspendu de part et d’autre de son sourire de femme aimante, un sourire chargé d’une énergie silencieuse qui commande l’espoir…

Elle se souvient de cette enfant lisant à voix haute un livre d’histoire, dans le métro… et la sensation furtive que tout le wagon, suspendu à ses lèvres, était plongé dans une bulle de mots, un halo d’innocence…

Elle se souvient aussi ce conducteur de la ligne 12, annonçant avec une voix d’hôtesse, les prévisions météorologies, quelques conseils bordés d’humour pétillant et un inattendu « Agréable journée à tous », inondant sa rame de bonne humeur.

Un frisson court sur sa peau comme le vent effleure l’herbe…
Alors elle laisse tomber ses pensées comme des miettes de pain, pour aller respirer toutes ces intentions murmurées, et ces sourires qui vibrent jusqu’à contaminer l’air…

Se peut il que les mots ou les sourires soient vivants ?
Se peut il que les mots ou les sourires fassent taire les blessures et redonnent l’intensité aux couleurs ?

/En illustration un pochoir de Bansky, personnalité majeur de l’art urbain international/

« Dis… tu crois en quoi ? »

Ecrire… ce projecteur, cette lumière sur les émotions.
Ecrire… et rêver donner un éclat sur l’anodin, le transformer en un bien précieux et rare.
Ecrire… pour raconter les envolées, les états d’âme, la vie en toute simplicité qu’un seul mot pourrait changer en épopée.

Aujourd’hui, elle se noie dans la fin de sa tasse de café… le café est froid.
Se dit qu’elle pourrait retourner dans son lit et se lover dans l’empreinte encore tiède que son corps a laissé dans la nuit…
Aujourd’hui, ses mots lui semblent tellement élimés qu’on y voit au travers… comme la vie ténue et fragile avant la prochaine virgule.

Un fragment de lassitude ?
Tenir alors la nostalgie à distance et s’arrimer au présent ?
Ambivalence des sentiments : plénitude et vide.

Le tic-tac de l’horloge rythme ce silence trouble.

Elle laisse tomber ses pensées comme des miettes de pain.

Admire le soleil qui prend son tour de garde pour éclairer le monde, et sans préambule se répand dans la pièce comme pour lui reprocher son humeur morose.

Ces dernières semaines, assommée par les blessures du monde et ses propres batailles, une peur sourde l’enferme dans des mots qu’on ne prononce pas.
Cette peur là, elle croyait en avoir fini !
Imprévisible, soudaine, sur le quai du métro, dans une boutique, à un carrefour alors qu’elle traverse la rue !
Elle surgit insidieuse, pour devenir chagrin et douleur !
La peur, c’est la brèche invisible qui se creuse au fond de son ventre, les images, les résonnances, l’écho d’un bruit ou d’un silence qui la réveillent au cœur de la nuit…
Alors ne pas l’ignorer… la regarder droit dans les yeux !

Tout donner et recevoir le monde entier, voilà la naïveté dont elle s’était vêtue comme d’une couverture.

Sommes nous de si petites choses que le monde continu de tourner sans se soucier ?

A l’abri de sa maison, tout respire la paix des gestes du quotidien.
Elle a besoin du silence des mots écrits.

Portée par la conscience de cette émotion à laquelle la vie la soumet, elle sait qu’il faut faire avec…
Et si quelque chose a vacillé une fois encore, n’est ce pas au cœur des bouffées de joie, de colère, de désarroi, de peur, au cœur des émotions que l’on trouve le carburant de la vie ?

Elle se remémore soudain ce minot du coin de la rue du marché de l’Olive, avec le rire de son âge sur les lèvres, qui jouait a défier les adultes avec toujours la même question : « Dis Madame… tu crois en quoi ? »
Elle le regarde amusée : « Je crois en ce qui nous rend vivant… »

….

« I learn that courage was not the absence of fear,
but the triumph overt it.
The brave man is not he who does not feel afraid,
but he who conquers that fear. » Nelson Mandela

Ici en illustration : street art de Seth Julien, graveur de la scène Parisienne, il peint les enfants de ses voyages avec ce je ne sais quoi de magique.

Des mots d’A…..

L’hiver et ce silence froid…
L’étirement du brouillard qui trébuche à chaque trottoir pour s’évaporer sous les portes cochères.
L’orage qui éclate et rempli ce même silence..
L’aube et des rêves doux, apaisant comme un serment d’affection qui se verrouillent lorsqu’elle émerge aux premières lueurs.

Elle laisse le fracas de l’eau engourdir son ouïe,
Marche avec hâte, sentant la présence muette des arbres qui bordent la rue, sentant le froid qui chuchote contre sa peau pour s’immiscer jusque dans ses muscles…
A peine réveillée, débordante d’une énergie silencieuse et cette sensation que le monde lui appartient…

Elle pousse la porte du café et sent l’air chaud fendre le froid de l’extérieur.
Envoie des sourires, cueille ceux qu’on lui offre, et chante un « Bonjour Lucie », l’âme de ce lieu chaleureux.
Lance des mots qui polissent les petites choses du quotidien à quelques habitués, d’un regard embrasse la salle pour chercher ses Amies.

Ses Amies…
Elles sont les fous rires, la passion, les grands discours, les envolées, les larmes, les grands silences.
Elles sont la réflexion, l’assurance, les convictions saupoudrées de doutes.
Elles devinent ses préoccupations, ses humeurs espiègles, divergentes, parfois instables.
Elles savent écouter les blancs entre ses mots.
Elles devinent et prennent la mesure de ses batailles, aussi dérisoires ou puissants sont les enjeux.
Combien de tartines à la confiture de larmes ou de rigolade partagées ?
Elles sont avec sa famille son centre de gravité.

Sentant l’arôme rassurant de sa tasse de café, elle les observe avec tendresse.
Cherche les mots pour les décrire, reformule sans cesse.
Ses mots s’enroulent autour de ses pensées, chargés d’émotion et de reconnaissance.
Ce matin le café diffuse dans l’épaisseur de l’air un parfum de légèreté, de complicité et d’amour.

Il faut aller dans la vie pour écrire la vie !
Mais de quoi parle t’elle ?
De l’Amitié avec un grand « A », bande de foule sentimentale !

En zone de houle… une intention pour 2016

Fin décembre 2015

Cette saison où la terre s’octroie un temps de recueillement, de méditation, de préparation pour le printemps à venir…
L’air humide et froid du matin qui caresse les rues encore endormies, les arbres vernis de froid, la surface cristalline de l’herbe engourdie par l’onde glaciale.

Elle se réveille à l’aube,
Elle aimerait retrouver cette somnolence matinale du temps d’avant, lovée sous la couette, se laissant envelopper par des rêves de surface pour étirer la douceur de la nuit.

La veille chez ses parents, simplement heureuse de la chaleur de l’instant, de contempler les murs témoins de son enfance. Ce lieu où un cœur est un cœur, une intention une intention, un sourire un sourire…

Aujourd’hui enivrée par cette bolée du petit matin frais, elle se sent l’âme flâneuse d’une touriste…

Elle observe la fuite des nuages, leur vitesse silencieuse.
Le ciel semble s’épaissir, s’amalgamer, pour s’arrêter net devant l’entrée du métro dans lequel elle s’engouffre. Elle en connaît par cœur les méandres, les « chemins de traverse »…
Emportée par le flot dense et désordonné des voyageurs… encore et toujours se croiser, se heurter, se frôler, s’éviter…
Elle a besoin de sentir que la vie y a repris ses droits. Elle a besoin d’y entendre des conversations, des murmures, transpirants l’empathie, l’universalisme, l’humanisme…

A l’arrêt entre deux stations, son métro privé d’électricité « momentanément », se retrouve happé par l’obscurité.
« Veuillez nous excuser pour la gène occasionnée »
A ces mots, figés comme une carte postale, les visages s’illuminent instantanément dans la clarté des Smartphones.

Tous ces écrans déverrouillés mille fois pour vérifier le message, le petit mot, le signe, l’émoticône, le « je ne sais quoi » qui rassure et rappelle que l’on compte, que l’on n’est pas oublié.
Tous ces écrans gardés précieusement, dégainés au moindre tintement.
Toutes ces émotions réduites à des codes, des émoticônes, des petits ronds… ces amitiés qui ne tiennent qu’à une onde, une batterie, un fil.
Toutes ces applications qui détournent de l’autre, et qui font oublier d’observer, de sourire, de partager…

Son téléphone vibre dans sa poche… elle l’ignore.

C’est donc cela être dans l’air du temps ?

Elle imagine un court instant que ces points de lumière sont des bougies comme autant de promesses vacillantes et que le grelot que cet enfant agite depuis le début du voyage est un reste de la magie de Noël, égaré aux portes de 2016.

Elle éternue brillamment, des yeux lui glissent dessus puis retournent à leurs écrans.

Le métro reprend sa route, la libère enfin…

Sur le quai, elle se souvient de ses mots de janvier 2015.
Ils surgissent en formation serrée. En première ligne, comme une intention pour la vie, un seul mot : l’authenticité.
S’engager avec sincérité dans le présent, aller dans le courant et poursuivre son chemin avec le bonheur d’être et de partager.
Ne surtout pas rester sur la surface lisse de la vie, car la vie est un cadeau…

Alors le sourire plein d’espoir, de confiance et de détermination, elle s’en va.

Sur le quai abandonné, un grelot…

2016 est déjà là !

Une Merveilleuse Année à tous…!

Poudre d’escampette… en zone de houle (volet 3)

Fin juillet,
Une nuit chaude, humide jusqu’à être suffocante, telle une nuit de Madinina égarée à Paname… Elle aime cette atmosphère où les soirs d’été, Miss obscurité s’emplit de murmures jusqu’à ce que Morphée gagne le bras de fer. Elle aime ce silence partagé où le jour attend patiemment qu’on lui cède la place pour enfin s’imposer.

Le réveil sonne et la voilà qui émerge…
Un rêve flotte encore au-dessus d’elle comme une couverture tressée d’instants éphémères.
Elle se lève avec résignation et cette sensation qu’une heure de plus ne serait pas du luxe.
Dans la rue des marteaux piqueurs font déjà entendre leurs voix, laissant planer un rempart de poussière diurne.
Ligne 12, elle se fraye un chemin dans l’allée du métro, passe devant un ado les écouteurs braillards collés aux oreilles ; un monsieur endimanché hurlant dans son portable des choses qui devraient rester privées ; une petite dame plongée dans son journal, la mine défaite, les lèvres pincées.
Finalement elle s’assoit face à une maman et son petit garçon, absorbés par leur conversation.
Elle ferme les yeux un instant et reprend sa respiration.

Ce métro, c’est une part de son quotidien : un concentré d’origines plurielles, qui cohabitent, parfois s’unissent, parfois se repoussent.
Au fil du temps elle est même parvenue a distinguer cette subtile empreinte que la culture appose à chacun de ceux dont elle croise le regard.

Mais aujourd’hui l’atmosphère du métro ressemble à une vitre fêlée, où tout semble l’irriter…
Il y a ce petit garçon qui répond à sa maman de manière évasive,
Il y a sa maman qui dissimule son enquête sous un voile d’empathie pour finalement exploser dans un : « Tu m’as menti !? ».

En un instant cette conversation tenace se matérialise en une dispute qui se propage dans tout le wagon, calfeutrant chaque recoins comme un isolant.
Plus de brouhaha, plus de musique, plus de téléphone, juste l’éclat de leurs voix.
L’enfant cherche un soutien, un secours auquel se raccrocher.
Elle n’ose laisser ce regard innocent dépasser le coin de ses yeux, elle ne peut s’immiscer, alors juste un sourire.
La réalité des enfants n’est elle pas faite de rêve, de jeux, et le mensonge ne s’y mêle t’il pas parfois sans qu’ils s’en rendent compte… ?
La maman finit par envelopper sa menace d’une drôle de grimace, le minot se lève dans un cri aigu doublé d’un rire, et cueille instantanément tous les sourires de ceux qui écoutent.
Une main malhabile, un geste inachevé, et voilà un tendre baiser posé sur son front.

Un vent de soulagement parcours le wagon comme dans le « Happy end » d’un film.
Tout n’était que densité, tout n’est plus que légèreté.

C’est l’essence même de ces instants anodins qu’elle souhaite partager encore, mais pas seulement…
Ces instants qui autrement resteraient à guetter sur les seuils des quais du métro, des arrêts de bus ou les coins de rue.

Mais Myopaname prend la poudre d’escampette, car il est venu le temps des vacances !

Joyeuses vacances !

Suite… « En zone de houle… »

L’été, cette saison où la chaleur de la nuit parfois si lourde, pesante comme une couverture vous oblige à l’insomnie. Cette saison où lorsque la nuit se change en jour, la chaleur encore vous enveloppe sans merci… jusqu’à vous liquéfier.

Fin juin 2015, Paname se réveille tout juste :
Un papier gras de croissant, une canette de bière, quelques mégots ornent le coin d’une rue. Un pigeon solitaire, un vélib’ abandonné, le lot ordinaire des voitures et les cris des éboueurs par-dessus la rue.

Une journée limpide, une tempête de ciel bleu, un soleil déjà plein de suffisance… immensité du mois de juin.

Ligne 12 du métro, la voilà assise, soufflant sur ses mèches de cheveux comme pour livrer bataille à la moiteur ambiante.

Face à elle, un vieil homme, un soupçon nerveux. Son regard oscille entre l’horizon sombre que lui offrent les rails et le smartphone qu’il tient précieusement.
Un « je ne sais quoi » d’inquiétude ricoche en lui pour s’évanouir l’instant d’après. Il l’intrigue, lui semble tel un livre ouvert : elle voit en lui les strates formées par les années. Chaque age, chaque printemps… Elle les voit toutes…

Le wagon bruisse de conversations, mais il lui semble qu’ils ne sont que deux…
L’alarme d’un sms tinte, il sursaute, le consulte, son visage se déforme dans une grimace, ses yeux s’embrument, puis se noient dans les larmes.

Désarçonnée par cette vague d’émotions, elle lui sourit avec compassion, il cueille son sourire au vol comme pour s’y abriter.
Peut-être le prendre dans ses bras, et bercer ses larmes jusqu’à les effacer … ?
Il lui renvoie un sourire qui lui demande de la grâce, de la solidarité, de la discrétion.
Elle est perdue, elle voudrait cerner les contours de cette tâche d’encre qui s’étend et lui couper la route : la douleur.
Elle dissimule son incertitude et son impuissance sous un voile de résolution, soutient son regard avec tendresse et lui tend un mouchoir.

Le crissement des freins, la vague de ceux qui sortent, le vieil homme se lève, se retourne vers elle et lui murmure un « merci » qu’elle lit sur ses lèvres.
Les portes claquent.

La voilà seule, cette émotion lui fait écho et elle se souvient de toute l’encre de ses chagrins, de ses doutes mais aussi des ses petits bonheurs, qu’elle a laissé s’égoutter sur le papier ces derniers mois.

Aujourd’hui, cette rencontre c’est un bout de vie, un bout d’histoire qu’elle emporte dans Paname, les coins poussiéreux des rues, les bistrots, les abris bus…

Elle l’emporte avec elle car elle sait que ce concentré d’émotions finira sur son bloc note… jusqu’à vous !

En zone de houle… ou pas !?

Le printemps, cette saison où les jours se glissent les uns dans les autres, limpides et parfois presque langoureux. Cette lumière qui s’attarde dans la journée et semble attendre la conclusion de la dernière heure…

Mai 2015, sur le quai du métro de Paname, la voilà qui observe cette effervescence quotidienne, tel un film flou passant au ralenti.

Une rame de métro approche, mais elle ne monte pas, les yeux comme dans le vide elle observe encore. Déjà les mots la dépassent, se bousculent et forcent le passage… :

Il y a cet homme le dos courbé, le regard sombre et fuyant enveloppé de silence qui semble couver ses soucis.

Il y a cette jeune femme qui marmonne inlassablement les mêmes mots, s’assoit résignée… ses traits tirés trahissent une énième nuit passée a dormir sur un banc. Elle semble puiser toute son énergie afin que le peu de dignité qui lui reste ne l’abandonne, tel un châle glissant de ses épaules.

Il y a ces trois hommes en treillis bleus estampillés « SECURITE », sillonnant le quai d’un pas sur, dévisageant les uns ou les autres, prêts à décaper, polir l’insécurité.

Il y a Jean Marc qui s’installe tout juste avec ses créations en fil de fer. Il a décidé que sa retraite ne l’isolera pas du reste du monde. Alors venir ici, plonger ses yeux bleus acier dans ceux d’un autre et parler pour se sentir vivant.

Il y a ces enfants joyeux, encadrés par leur instituteur, enveloppés d’un halo d’innocence.

Mais aussi cet homme plongé dans un livre, imperturbable, blotti dans cette bulle de mots.

Cette maman qui referme ses bras sur son bébé tel un voile protecteur.

Cet écolier souriant d’une oreille à l’autre, absorbé par son smartphone, les épaules chargées d’un sac trop lourd.

Ou cet homme, adossé au mur, qui la dévisage avec arrogance, pour se noyer dans l’hésitation lorsque leurs regards se croisent.

Ce concentré de vies lui semble un voyage jusqu’en zone de houle, pour ricocher sur une mer d’huile, puis rien… selon le regard qu’on y pose.

Une nouvelle rame de métro approche, elle monte avec cette sensation de ne pas être restée à la surface miroitante des choses… et si elle a grandi dans « le faire » et non « le paraître », elle espère ne jamais fermer les yeux…